Le Figaro

Françoise Dargent, 27 décembre 2009

On connaît le journal et la correspondance rédigés par Alfred Dreyfus lors de sa déportation à l’île du Diable en Guyane. Ce n’est pas tout. Entre 1895 et 1899, le capitaine noircit aussi trente-quatre cahiers. Il en conserva quatorze, qui revinrent en 1923 à la Bibliothèque nationale où, seuls, les chercheurs y ont eu accès.
Ce témoignage précieux réapparaît aujourd’hui, retranscrit dans un étonnant coffret où figurent tous les cahiers, dont l’un est reproduit en facsimilé. Que peut-on y lire ? Le détenu y a recopié d’une écriture fine les textes qu’il aimait, ses auteurs fétiches, Shakespeare et Montaigne. En bon polytechnicien, il y a noté des exercices de mathématiques, des références historiques. Se répète aussi, plusieurs milliers de fois, de manière obsédante, le même dessin, griffonné comme pour exprimer l’enfermement ressenti par l’homme.
« Éditer cet ouvrage était proche de l’entreprise de copiste, explique Pierrette Turlais, la fondatrice des Éditions Artulis, à l’origine de cette publication soutenue par les Fondations Edmond et Benjamin de Rothschild. Il fallait le faire tant ces cahiers montrent une forme de résistance. Alors qu’on a voulu asservir cet homme, il fabrique à travers eux un espace de civilisation.