Alfred Dreyfus, Cahiers de l'île du Diable

Les écrits du bagne
Accusé à tort de trahison, victime d'antisémitisme, déchu de son grade militaire, condamné à la déportation à perpétuité, le capitaine Dreyfus est détenu au bagne de l’île du Diable pendant plus de quatre ans (1895-1899). Contraint au silence absolu, surveillé jour et nuit, sans nouvelle des siens durant de longs mois, ignorant, et du combat mené par ses partisans, et des découvertes en sa faveur avant janvier 1898, il y endure haine, isolement, touffeur, vermine et précarité. Sa force de résistance, son stoïcisme sont à la mesure des conditions de détention qui lui sont imposées.
Au cours de sa captivité, Alfred Dreyfus a écrit des lettres, un journal et des cahiers de travail.
Les lettres à son épouse, Lucie, ont été publiées dès 1898 par Joseph Reinach, premier historien de l'Affaire, sous le titre Lettres d’un innocent. Elles ont été reprises en 2005 sous le titre Écris-moi souvent, écris-moi longuement… Correspondance de l’île du Diable, complétées par les échanges entre les époux, depuis la prison du Cherche Midi à Paris en octobre 1894 jusqu’aux tout premiers jours de détention à Rennes, en juillet 1899.
Le journal publié par Alfred Dreyfus lui-même en mai 1901 sous le titre Cinq années de ma vie, fait état des années qui s'écoulent entre le jour de son arrestation (15 octobre 1894) et celui de sa libération (19 septembre 1899). Ce journal a été réédité en 1982 puis en 1994 et 2006.
Les 14 cahiers inédits écrits durant son bagne sont à l’origine au nombre de trente-quatre.
L'ensemble a été remis au déporté après sa libération, en 1900, à l'exception d'un seul, oublié. Les vingt premiers, rédigés entre 1895 et 1898, sont constitués de brouillons de lettres, de mathématiques et de dessins.
 

Ils ont aujourd'hui disparu, détruits par Alfred Dreyfus lui-même.
Les quatorze suivants, rédigés entre 1898 et 1899, comprennent des fragments de textes d'auteurs aimés, inlassablement recopiés à la main, des notes de lectures, des mathématiques, des exercices d'anglais et des dessins.
Les archives nous apprennent qu'Alfred Dreyfus a délibérément choisi de conserver ces 14 cahiers. Il les confiera à Joseph Reinach alors occupé à sa monumentale Histoire de l'affaire Dreyfus, en 1901. Ceux-ci seront légués en 1923 par les héritiers du premier historien de « l’Affaire » au département des Manuscrits de la Bibliothèque nationale de France sous la cote NAF 24 909.
Ces quatorze cahiers, inconnus ou confidentiels, inédits, constituent un document patrimonial que j'ai choisi de valoriser en les publiant sous la forme d'une édition papier et, dans le même temps, sous la forme d'une consultation virtuelle illimitée.

Contenu de l'édition
L'édition comprend la transcription intégrale du fac-similé du Cahier 7, ainsi qu'un appareil critique qui relient les documents au contexte historique, social et moral de leur rédaction.
Les différentes contributions favorisent une mise en perspective philosophique, psychologique de l'écriture et de ses enjeux.
Le petit-fils du capitaine Dreyfus, Jean-Louis Lévy, préface l'ouvrage ; un avant-propos de l'éditrice raconte le choix de cette aventure éditoriale. André Comte-Sponville explore la leçon que donnent les cahiers ; Mauricette Berne relate l'histoire du manuscrit ; Maxime Préaud étudie les dessins.